Raid Hamidon : Victoire
− J’ai besoin de plus de soins !! Vous êtes mous les gars !
C’était Popytek, un véritable colosse, et aujourd’hui, il savait qu’il
pouvait hurler, faire la mauvaise tête si cela lui chantait, rien ne
lui serait reproché. Ce n’est pas tout les jours qu’on recevait l’ordre
de provoquer un monstre gélatineux de plusieurs tonnes, tout en sachant
que cela le rendrait assez furieux pour ne plus avoir qu’un seul
objectif : vous réduire en miettes en vous assenant des coups d’une
violence extrême. Mais il avait accepté l’ordre ; il s’en était même
réjoui, certains diraient qu’il méritait bien sa réputation de Tank
Fou. Mais quelqu’un devait faire le job, non ? Il s’était donc proposé
et de façon assez étrange, personne d’autre n’avait voulu le priver
d’un tel plaisir en proposant sa candidature.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, il accaparait l’attention d’Hamidon,
cette immense cellule, dont le noyau central, tel un œil gigantesque,
semblait fixer son regard vitreux sur sa prochaine victime.
− Bah alors, mon gros ! On n’a pas confiance en ses défenseurs ?! Quelle ingratitude, vraiment merki ! Et moi qui pensait que… »
− Plus tard le blah blah, Brice, contente-toi de le garder en vie pour l’instant ! », l’interrompit Pharmacienne.
− Ok, ok, très bien, j’ai compris. » PWR-Brice se tourna vers ses
équipes de Défenseurs, et hurla : « Messieurs, mesdames, vous avez
entendu la chef. Augmentez la cadence de soins ! ».
Immédiatement, le rythme des auras vertes se fit plus rapide et
Popytek ainsi que la bonne centaine de héros présents sentirent leurs
blessures se refermer lentement.
Pharma hocha la tête, satisfaite, et reporta son attention vers
les Contrôleurs. Cassandra, Taki, Psydoc et Malph étaient concentrés
sur leur tâche, qui consistait aussi bien à surveiller leur groupe de
contrôleurs qu’à utiliser leurs propres pouvoirs pour tenter de briser
les barrières mentales d’Hamidon.
Il lui suffit d’un regard pour comprendre que quelque chose clochait.
La force mentale d’Hamidon aurait dû commencer à décliner mais pour une
raison inconnue, rien n’y faisait. Pharma ressentait toujours cette
vibration poussée à son paroxysme, qui s’insinuait à l’intérieur du
cerveau, manifestation d’un pouvoir sans âge, développé par une
créature dont la survie ne dépend plus de sa faculté de déplacement
physique. Bref, le plan ne se déroulait pas comme prévu et cela la
contrariait.
Elle attira l’attention d’un de ses plus proches lieutenants,
Malph. Il avait le regard un peu hagard, comme quelqu’un qu’on réveille
au milieu d’un rêve ou qui se trouve déranger en plein concentration,
mais il se reprit et annonça son rapport.
− Toujours rien. On essaie sans relâche, mais rien ne se passe. Nous n’arrivons pas à sonder la faille.
Il jeta un œil à la masse de super-héros qui était entrain de
frapper sans relâche le noyau grâce à leurs fusils, leur pouvoirs
magiques et même leurs poings nus ou munis de griffes. Il lui était
impossible de voir leur visage d’ici, mais sans parler de bonne humeur,
il sentait que chacun d’eux mettait du cœur à l’ouvrage. Cela ne fit
qu’aggraver son état d’esprit, lui faisant doublement prendre
conscience que si les siens échouaient, les combattants ne tarderaient
pas à déchanter…et ce serait le massacre. Une fois de plus. Il baissa
lentement la tête et la secoua, découragé devant l’ampleur de la tâche.
Deux heures ! Cela faisait deux heures qu’ils luttaient psychiquement
contre Hamidon et ils n’avaient pas gagné un seul centimètre de
terrain. Il releva la tête et fixa Pharma. Il se demandait toujours
comme elle faisait pour paraître si sûre d’elle. Et pourtant, elle
dégageait une aura de confiance, comme un message télépathique qui
murmurait : « Tout ira bien ».
− Bien, lui répondit-elle. Alors il faut se préparer à utiliser notre
dernier atout. Fais passer le message aux autres contrôleurs. Quand je
donnerai le signal, vous lancerez l’attaque. Inutile de dire que le
timing devra être parfait si on veut sortir de là en un seul morceau.
Malph acquiesça et partit rejoindre son groupe. Le moment venu, il saurait quoi faire. Il serait difficile de manquer le signal.
L’atout dont parlait Pharma n’était rien d’autre qu’une médaille. Un objet qui ne payait pas forcément de mine mais dont l’utilité pouvait se révéler cruciale dans ce combat. Son nom, « Avant-garde », était en hommage à ceux qui avaient organisé la résistance contre les Riktis et cette médaille n’était pas donnée à n’importe qui. Quant à sa faculté, il permettait de doubler la puissance de nombreux pouvoirs de contrôle pendant un court laps de temps avant de se désactiver pour un bon moment. Autant dire que son utilisation devait se faire au moment opportun. Ils n’auraient pas le droit à de multiples essais.
Cela faisait bientôt trois heures que le Raid Hamidon avait
commencé. La chasse devait se décomposer en quatre parties : L’AMEN
comme l’appelaient les Super-héros. Le nom original était en fait « la
M.E.N.E » dont chaque lettre correspondait à une des quatre phases −
Machette (en référence à l’arme blanche redoutable que l’on utilisait
pour défricher un chemin à travers un environnement encombré) /
Élimination, qui consistait à détruire méthodiquement chaque
mitochondrie d’Hamidon / Neutralisation, la phase la plus importante
pendant laquelle il fallait désactiver les défenses du blob et enfin
Éradication, qui était purement et simplement, l’annihilation
d’Hamidon… La mise à mort de la bête. La M.E.N.E avait tôt fait de
devenir l’AMEN… dont on disait qu’elle recelait deux sens : le premier
était comme une prière pour réussir à supprimer Hamidon, la deuxième
comme un jugement lorsque l’objectif serait accompli - un ultime amen
qui permettrait de tirer un trait définitif sur cette horreur.
Mais comme toute chasse, celle-ci recelait sa part
d’imprévisibilité, de malchance. Et si les deux premières phases
s’étaient déroulées à merveille, la troisième était un véritable
camouflet projeté au visage des héros. Pour le moment, ils étaient pris
à leur propre jeu, neutralisés et devant une impasse. Il fallait donc
tenter le tout pour le tout et avoir confiance dans le pouvoir d’
«Avant-garde ».Mais avant cela, il était temps de faire de véritables
dégâts.
De ce côté-là, Pharma avait tout prévu. Elle comptait sur ses
équipes de Blasters, de Tanks et de Ravageurs afin de pilonner cette
énorme masse de gélatine. Mais si les guerriers héros frappaient déjà
de bon cœur, la vie d’Hamidon ne descendait malgré tout pas assez vite
à son goût. Pharma savait ce qu’il lui restait à faire.
Elle se dirigea tranquillement dans la mêlée et scruta uns par uns
les héros qui l’entouraient jusqu’à ce qu’elle repère la personne
qu’elle cherchait. Une fois trouvée, elle s’avança vers elle et dès
qu’elle fut à portée de voix lui cria :
− Alors, Red, on t’entend pas beaucoup, dis-moi. D’habitude, on
est obligé de te faire taire, et là, pour le coup, je te trouve bien
calme. Enfin, je comprends, l’angoisse, tout ça…
Red Fire se tourna vers Pharma, des flammes dansant dans les yeux.
− Moi, angoissé ? Elle est bien bonne celle-là !
Il partit d’un grand éclat de rire, avant de continuer :
− Nan, on va en faire de la soupe de cette bactérie… Enfin, encore
faudrait-il que je ne sois pas le seul à me battre. Parce que là, j’ai
plutôt l’impression que je suis groupé avec des fillettes.
Sa réponse se transforma bientôt en grondement sourd…Puis le monologue commença :
− Hey ho, je suis pô venu pour faire mumuse moi. C’est quoi de ce
tas d’incapables qu’on a recruté pour ce raid. Ah bravo, les
super-héros, on dirait plutôt des super-zéros ! Hey toi là-bas, tu veux
que je te montre comment on utilise ses griffes utilement…Je veux pô
dire, mais tu m’as l’air un peu empoté…Et l’autre là, mais qu’est ce
qui…
Pharma, un rictus au lèvre, avait déjà tourné le dos à la scène et
s’était éloignée. La petite pic avait eu l’effet voulu et Red Fire
était parti au quart de tours. Comme toujours. Aucun doute que les
soldats ne tarderaient pas à augmenter leur cadence de frappe, si ce
n’était pour tuer Hamidon, ce serait au moins pour faire taire le «
gueulard », un surnom dont il était d’ailleurs très fier.
C’est maintenant qu’elle sentait la pression monter. A présent
qu’il ne restait qu’une seule chose à faire : attendre. Elle n’avait
pas vraiment eu le temps de penser à l’issue de ce combat, ne serait-ce
que parce qu’elle croulait sous les responsabilités d’une telle
entreprise. Gérer plus d’une centaine de héros aux personnalités
diverses était bien plus difficile qu’elle l’imaginait. Elle s’en
rendait compte à présent. Heureusement, elle avait reçu l’aide
précieuse de plusieurs autres super-héros : Centurion Nova et son
talent en communication, Glacière, Chaplain et Vekalovitch pour leurs
conseils, et puis tous ces lieutenants temporaires sans qui tout cela
n’aurait pas été possible. Trop de personnes à remercier, et toujours
aussi peu de temps pour dire merci. Elle y remédierait plus tard. Mais
pour le moment, il fallait attendre. Guetter l’instant où Hamidon
montrerait ses premiers signes de faiblesse, moment qui serait
inévitablement suivi du déclenchement de son pouvoir ultime. Oh rien de
rien méchant, juste un tour de passe-passe…l’apparition d’une
mitochondrie destructrice pour chaque héros présent. Autrement dit, un
massacre en bonne et due forme qui durerait tout au plus quelques
secondes. Au moins, ils n’auraient que très peu de temps avant de tout
voir en noir, c’était déjà ça. Malheureusement, bien que courtes, les
souffrances seraient sans bornes. A bien y penser, Pharma préférait de
loin l’autre dénouement. Un Hamidon au sol et des héros encore debout.
Oui, voilà qui serait bien mieux.
Mais pour le moment, attendre, encore et toujours. Quelque chose
lui disait pourtant que ça ne durerait plus très longtemps. La « peau »
visqueuse d’Hamidon commençait à présenter des lésions. Leur taille et
leur nombre allaient croissants et la colère mentale que Pharma
ressentait comment à augmenter elle aussi de façon exponentielle.
Voilà, le moment était bientôt venu… Il fallait se préparer à lancer le
signal. Encore quelques instants, quelques précieuses secondes et le
timing serait parfait.
Puis, enfin, le moment tant attendu se présenta. Un rugissement se
fit entendre dans la vallée, un grondement assourdissant, une énergie
décuplée par le sentiment de danger. Comme le diction le disait si
bien, une bête acculée et blessée pouvait être bien plus redoutable
qu’un prédateur. C’est ainsi lorsque l’instinct de survie reprend le
dessus. Et c’est ce qui était entrain d’arriver. Jusque là, rien
d’imprévu, et Pharma espérait sincèrement les choses continuerait à se
dérouler selon ses plans. Il était temps de tenter le tout pour le tout
et achever la bête une bonne fois pour toute.
Les sens en alerte, elle prit une profonde inspiration avant de pousser un cri qui aurait fait cracher les poumons à plus d’un.
Malph ne s’était pas trompé. Impossible de manquer le signal. Son
oreille en était encore toute endolorie. Le mot « Avant-Garde » l’avait
frappé comme un missile sonique, et il continuait à se répercuter dans
la vallée comme une boule de flipper qui frapperait sur des bumpers.
Sauf que les bumpers étaient des collines et que lui et les autres
étaient sur la trajectoire du cri de guerre. Mais au moins, tout le
monde avait compris le message et le ronflement dû à l’activation des
médailles « Avant-Garde » commençait à se faire entendre un peu
partout. Le pouvoir des Contrôleurs reprenait le dessus et les
barrières psychiques d’Hamidon étaient mises à mal. Il allait gagner
cette fois. Cela ne faisait aucun doute ! Pourtant, le rugissement
aurait dû décroître sous la pression exercée par les équipes de
Cassandra, Taki et les autres. Les Lieutenants s’entre-regardèrent,
leur expression de joie se fit plus sombre. Leur visage affichait la
confusion et l’angoisse. Les coups d’oeils furtifs qu’ils se jetaient
les uns les autres étaient empreints d’anxiété Et soudain, leur regard
se figea. La funeste vérité les avait frappés de plein fouet. Il
venaient de réaliser leur échec. C’était fini. Quelque chose ne s’était
pas déroulé comme prévu. Un facteur inconnu s’était introduit dans leur
équation et avait mis à bas tous leurs espoirs. Encore quelques
secondes et Hamidon les aurait balayés de The Hive.
Comme pour prouver ses dires, les premières mitochondries
commençaient déjà à apparaître lentement ; Hamidon utilisait l’énergie
vitale de chaque héros afin de leur créer un adversaire sur-mesure. Une
mitochondrie pour chaque entité hostile. Dire qu’il fallait de nombreux
héros pour pouvoir en détruire une seule, et voilà qu’ils allaient
bientôt être à nombre égal, mais l’équilibre des forces serait alors en
faveur d’Hamidon, à mille contre un. Aucune chance, pas même la plus
infime. Le glas de leur aventure venait de sonner. Mais il se manifesta
non pas comme une cloche qui tinte mais comme un hurlement de
désespoir. Un « Nooooon ! » de détresse qui roulait dans la vallée,
arrachant l’espoir comme une puissante vague engloutirait une petite
embarcation. Le maillon fort du raid venait de se briser. Au désespoir
de Pharma, répondrait la liquéfaction de la chaîne.
Cette révélation avait été comme un électrochoc pour Pharma. Elle
s’était affaissée sur les genoux et se prenait la tête entre les mains.
Elle ne s’entendait même pas crier. Le timing avait pourtant été sans
faute. Il aurait dû être neutralisé ! Il aurait dû ! Qu’est-ce qui
avait mal tourner ? La question ne cessait de se répéter inlassablement
dans son esprit… elle n’attendait aucune réponse, bien sûr, elle était
intimement convaincue qu’il n’y en avait pas. Mais son esprit
n’abandonnait pas. Il continuait à analyser le problème. Toujours rien.
Quel gâchis ! Bon dieu, on aurait dû l’avoir ce coup-ci. Sa conscience
la torturait, puis se divisa en deux. Antagonisme. Ange et Démon.
Conscience et Inconscience. Juge et Accusé. Une voix lui susurrait que
la douleur ne serait que passagère, qu’ils ne méritaient pas de gagner
de toute façon. Une autre la poussait à se relever et à continuer le
combat. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, n’est-ce pas ?
Elle ne pourrait plus se regarder en face si elle abandonnait tous ceux
qui l’avaient rejoint aujourd’hui pour triompher de cette engeance.
Elle leur devait bien ça, non ? La lutte intestine continuait de faire
rage dans son esprit. Chacune des voix exprimait son avis, exposait ses
preuves. Comme si les Gémeaux avaient brisé leur amour fraternel.
Castor et Pollux, partageant le même corps mais s’affrontant pour la
première fois. Qui était le bon ? Qui disait la vérité ? Alors, l’un
des deux envoya des images de victimes, des super-héros battus à mort,
un souvenir antérieur, toujours vivace dans la mémoire de Pharma. Un
brûlure à vif qu’elle tentait désespérément d’oublier mais qui avait
continué son travail de sape. Mais aujourd’hui, elle allait tirer de ce
malheur la force qu’il lui permettrait de faire cesser ce combat
intérieur. Non. Le mot était clair, limpide. Il brillait comme un
cristal dans son esprit. Non. Pas cette fois. Sa conscience se fit
cristalline, tout devint évident et simple. Ici, aujourd’hui, ils
finiraient la mission pour laquelle ils étaient venus. Il n’y avait pas
d’autre alternative.
- Et maintenant, on fait quoi ?
La question de Jabberwock l’avait pris par surprise. La possibilité
d’un échec était possible mais il ne voulait pas y penser. Mais
maintenant, oui, que faire ?
- J’avoue que je n’en sais rien. Je vais continuer à frapper
jusqu’à ce qu’un de ces globules s’aperçoive de ma présence et alors je
ferais comme tout le monde. Je tomberai.
- Si seulement on était plus nombreux. Tu ne vas pas me dire que
nous ne sommes qu’une centaine à avoir atteint le niveau de Sécurité
50, non ? Alors, ils sont où les autres ?
- Si c’est une réponse que tu cherches, je n’en ai pas à te donner.
Black ninja ne voulait pas paraître si pessimiste, mais il avait
été honnête. Il n’en savait rien du tout. Et puis la déprime le gagnait
aussi, il avait soudain envie que tout se finisse très vite. Que le
rideau tombe sur leur spectacle, bien qu’il aurait plutôt l’apparence
d’un couperet pour le coup.
C’est alors qu’il entendit le bruit. Ou peut-être s’agissait-il
d’un mot ? Il n’en était pas sûr…le vacarme causé par les hurlements
l’empêchait de distinguer clairement le son qu’il essayait
d’identifier. Pourtant, son intensité augmentait indubitablement. Il
tourna la tête de gauche à droite, se demandant s’il ne s’agissait pas
d’une hallucination auditive mais d’autres héros avaient eux aussi pris
conscience du phénomène. Certains en cherchaient la source. Black ninja
fut distrait quelques secondes par ces visages fatigués, où perçait la
détresse, mais surtout le désir de croire. De croire qu’une issue
heureuse était possible. Alors, le bruit retentit à nouveau. Encore
plus net. Puis, une nouvelle fois, comme un battement de cœur. Non, un
martèlement plutôt. Il cessa de frapper sur Hamidon, puis se retourna.
L’incrédulité apparaissait sur son visage. Il venait de trouver la
source du martèlement.
- Tu as entendu quelque chose, toi aussi ? dit Arlyne en s’adressant à Arcane.
- Oui, je crois. Je ne suis pas sûr. On aurait dit un coup de
marteau, confirma Arcane. Elle baissa lentement son fusil. Arlyne, les
poings encore brillants d’une aura bleutée, avait cessé d’envoyer des
décharges givrantes. Les deux héroïnes tentaient de repérer d’où
provenait le bruit. Il fallu deux martèlements supplémentaires avant
qu’Arcane trouve enfin ce qu’elle cherchait. Pharma était à nouveau
debout, en retrait par rapport aux autres héros, mais elle faisait face
à Hamidon. Même à cette distance, Arcane n’avait pas besoin de se
rapproche de Pharma pour imaginer l’expression de son visage. Tout son
corps était tendu, les bras le long du corps et il émanait d’elle comme
un sensation de défi, une assurance inébranlable. Arcane n’en était pas
sûre, mais elle croyait même apercevoir un sourire. Elle semblait ne
pas être consciente de ce qui se passait ici, son esprit était
peut-être à des milliers d’années lumière de son corps. Mais le plus
étrange était ce pied. Ce pied qui frappait de façon régulière le sol.
Il martelait comme pour définir la cadence d’une danse qui n’avait pas
encore commencé. La terre, par contre, avait entamé sa réaction, et
elle était parcourue de tremblements. Des ondes de choc se dessinèrent,
chaque ride était noire, obscure comme les miasmes dont Pharma avaient
le contrôle. Les ondes se propageaient progressivement, à chaque coup
de burin, s’éloignant petit à petit du pied de Pharma qui faisait
office d’épicentre. Les vagues fréquentielles s’étendaient lentement,
se frayant un chemin vers les super-héros, vers les mithocondries, vers
Hamidon. Jusqu’à ce qu’ils soient tous en contact avec les ondes. Et
soudain, la vallée devint aussi silencieuse qu’une cathédrale. Hamidon
s’était tu, comme aux aguets, attendant le prochain coup de son
adversaire. Le martèlement avait cessé. Les héros étaient sans voix,
attendant le dénouement. Seul le vent continuait à souffler. Puis…tout
se déroula très vite.
Ceux qui avaient les yeux braqués sur Pharma la virent lever les
bras au dessus de la tête, dessinant un V. Ses yeux étaient dans le
vague, fixant l’horizon. Elle les ferma brusquement et c’est alors que
tout se déclencha.
Malph fut frappé le premier. Il perdit le contrôle de ses muscles
mais ne tomba pas pour autant. Lentement, ses bras se levèrent vers le
ciel, adoptant la même position que Pharma. Les contrôleurs dont il
avait la charge furent bientôt frapper eux aussi. On aurait dit une
chorégraphie répétée un millier de fois mais tout le monde savait
qu’une telle simultanéité n’était pas possible. Ils semblaient animer
par la même volonté, pauvres pantins mis entre les mains d’un
prestidigitateur. Leurs yeux se fermèrent au monde, leur corps se
courba vers l’arrière, la tête pendante puis après un tressautement,
ils s’élevèrent dans l’air, formant un cercle autour de Malph qui
semblait inconscient de ce qui se déroulait autour de lui. Le même
schéma se reproduisit pour chaque lieutenant et son groupe de
contrôleurs et quelque secondes plus tard, Taki, Cassandra, Malph et
Psydoc semblaient être devenus des piliers de pierre, transformés en
titans d’un autre âge. C’est à ce moment précis que les yeux de Pharma
se ré ouvrirent alors même que sa bouche articulait un « Maintenant ».
Le corps des contrôleurs, comme pris de transe, commença à s’illuminer,
brillant d’une énergie aveuglante. Celle-ci s’échappa lentement d’eux
par les pieds et se déversa entre les bras des Capitaines, restés au
sol, les bras en V. La forme de coupe que représentait leur position se
remplissait progressivement du flux énergétique des contrôleurs. Les
capitaines, pareils à l’image d’Atlas portant la Terre sur ses épaules,
croulaient sous le poids de cette force mais malgré tout tenaient bon.
Hamidon, quant à lui, semblait paralysé par la scène et si ses
mitochondries avaient entamé leur opération de nettoyage − preuve en
étaient les quelques corps qui jonchaient le sol − elles s’étaient à
présent mis en suspens, comme en attente d’un ordre qui tardait à
venir. Mais à présent que les quatre coupes étaient presque pleines,
Hamidon paraissait réaliser que ces quatre catalyseurs pouvaient
représenter un réel danger pour lui. Une des mitochondries les plus
proches des contrôleurs laissa tomber le super-héros qu’elle avait pris
pour cible, et se réorienta sur sa nouvelle victime. Le blob savait
très bien qu’il suffirait de casser une seule des incantations pour
briser le phénomène. Et le premier à tomber serait Psydoc, la
contrôleuse. La mitochondrie visa donc le super-héros, chargea son
rayon et tira droit sur sa cible. A cette distance, impossible de rater
son coup.
Quand Arlyne avait été pour la première fois contactée pour prendre
part au Raid, elle avait accepté même si au fond d’elle, elle n’était
pas persuadée qu’ils avaient la maturité ni la volonté nécessaire pour
vaincre cette aberration de la nature qu’était Hamidon. Pourtant, elle
n’avait pas hésité à y participer. Et finalement, elle s’en serait
voulu d’avoir manqué ce qui était entrain de se passer. Elle ne
comprenait pas trop ce qui arrivait, ce qui contrariait son cerveau
cartésien. Voilà peut-être la raison qui lui permit de garder un esprit
vif lorsque la majorité des autre super-héros étaient ébahis devant le
spectacle qui se déroulait devant leurs yeux. Toujours est-il qu’elle
fut la seule à réagir lorsque le plan d’Hamidon devint évident.
S’élançant vers les contrôleurs, elle avait identifié la mitochondrie
qui, déjà, se tournait vers Psydoc. Qu’espérait-elle faire ? Tuer la
cellule toute seule ? La gronder ? Néanmoins, ses pieds passèrent en
mode survitesse et elle continua sa course vers Psydoc et ce n’est que
lorsqu’elle se projeta en avant qu’elle comprit la portée de son geste.
Le rayon l’atteignit dans l’estomac et la projeta comme un jouet cassé
aux pieds de Psydoc. Elle s’était sacrifié pour les autres. Elle avait
fait un barrage de son corps afin d’absorber le rayon qui autrement
aurait détruit Psydoc, et par conséquence, sûrement tout le raid. Un
geste noble certains diraient, mais Arlyne ne voyait pas la chose de
cette façon. C’était peut-être la seule chance qu’il leur restait de
vaincre Hamidon, son inconscient avait pris sa décision avant même
qu’elle le réalise. Mais maintenant qu’elle gisait par terre, alors que
les ténèbres l’aspiraient lentement dans un sommeil sans rêves, elle
sentit une terreur envahir son cœur. Et si elle avait échoué ? Et si
tout cela n’avait servi à rien ? Qu’est ce qui empêchait la
mitochondrie de tirer à nouveau ? Il n’y aurait plus aucun obstacle
entre elle et Psydoc cette fois-ci.
Puis, cette terreur se dissipa soudain lorsque Psydoc, comme pour
rassurer Arlyne, la regarda dans les yeux. Son visage était crispé sous
l’effort et le poids qu’elle portait sur les épaules, mais elle n’en
souriait pas moins. Puis la phrase libératrice sortit de ses lèvres : «
Tout ira bien ». Ainsi, le cœur léger, Arlyne sut qu’elle avait
accompli sa mission, elle pouvait désormais glisser dans cette
inconscience libératrice. Ses yeux se fermèrent lentement, son visage
se décontracta et elle fut engloutie par l’obscurité.
C’est peut-être à ce moment là qu’Hamidon prit conscience que la chance
avait tourné. Son manque de réaction et l’incompétence de sa
mitochondrie avaient donné le temps nécessaire aux super-héros de
finaliser leur action.
Déjà, l’énergie libérée par les Contrôleurs, était absorbée par
les Catalyseurs qui la transmutaient en une force implacable. Leurs
yeux se firent lumineux, puis étincelants et bientôt un rayon jaune en
sortit. Ces quatre faisceaux se dirigèrent droit sur les mitochondries
; dès qu’ils en touchaient une, ils rebondissaient sur une autre, et
ainsi de suite. Jusqu’à ce que plus une seule des globules ne soient en
mesure de faire quoi que ce soit. Car loin d’être destructeur, le
pouvoir de cette force vitale était neutralisateur, une prison
énergétique, un carcans d’où il était impossible de sortir. Et
désormais, Hamidon était seul, ses plus fidèles soldats rendus
inutiles.
L’heure de l’action avait sonné. Il était temps de prendre part à
la curée et les héros allaient s’en donner à cœur joie. Tous les
groupes de Tanks, Blasters et Ravageurs, dirigés par leurs Capitaines −
Pharafire, Robocal, Dazman, Hasgard et les autres − s’auto motivaient
et redoublaient d’efforts pour en finir avec la bête. La pluie de coups
que recevait Hamidon était inconcevable et bientôt, il donna des signes
d’affaiblissement. Certaines parties de son cytoplasme commencèrent à
se liquéfier et son noyau central à s’agiter en tous sens. Cela ne fit
qu’augmenter le désir des héros d’en finir une fois pour toute et
poussant l’effort jusqu’aux limites du supportable, ils continuèrent à
augmenter leur cadence de frappe. L’immense masse gélatineuse commença
à vaciller, puis à bouillonner avant de se replier sur elle-même. Un
instant, Hamidon cessa de bouger complètement puis l’instant d’après,
un flash aveuglant se produisit. Tous les héros se masquèrent les yeux
avec l’avant-bras et lorsqu’il purent à nouveau regarder ce qui se
passait alentour, en eux se mêla un mélange de joie, de soulagement et
de terreur. En effet, Hamidon était bel et bien défait, la titanesque
cellule antédiluvienne, envolée, mais à la place se trouvait une
multitude de minuscules répliques d’Hamidon. Et certaines tentaient
déjà de disparaître dans la nature. Voilà donc comment il avait prévu
de survivre, alors. S’enfuir, se développer à nouveau et revenir. Ils
savaient que si une seule cellule en réchappait, alors le cauchemar se
perpétuerait. Pourtant, bien que la mise à mort des ersatz avait
commencé, il était trop tard pour empêcher la fuite de toutes ces
cellules. Ils ne s’étaient pas préparés à cette éventualité mais qu’à
cela ne tienne… Ils avaient vaincu la bête une fois, ils pourraient
désormais réitérer l’exploit… N’est-ce pas ?
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